vendredi 26 juin 2009

Le hérisson, c'est non

Ah! la mauvaise surprise! Je n'avais pas lu L'élégance du hérisson, malgré son succès. Ou à cause de lui. Cela m'arrive très souvent: quand je passe à côté d'un livre à sa parution, j'attends la réédition au format de poche pour m'y plonger. Avec d'autant plus d'appétit qu'il y a eu, cette fois, presque trois ans de retard, justifiés par les ventes du roman en grand format qui n'ont ralenti que très lentement. Il est encore, cette semaine, classé 31e dans les meilleures ventes de romans en France d'après Livres Hebdo, après 138 semaines de présence dans le classement.
Je me réjouissais donc d'être le, environ, deux millionième lecteur d'un livre qui s'est arraché comme des petits pains. Le goût de ce pain ne pouvait pas être mauvais, me disais-je.
Erreur.
Terrible erreur.
Qu'est-ce que je m'y suis ennuyé! Qu'est-ce que j'ai râlé!
Je vous rassure: je l'ai lu jusqu'au bout. De la première à la dernière ligne. De plus en plus en colère au fur et à mesure que je tournais les pages. La fameuse concierge qui a fait se pâmer bien des amateurs de littérature, cette Renée cultivée "malgré" sa profession, n'a fait que m'énerver. Non mais, quelle prétentieuse! Du haut de sa connaissance intime des grands écrivains, elle juge le monde, elle assène des avis définitifs, elle pérore, pérore, pérore...
Je n'ai rien contre le dialogue intérieur, technique narrative bien connue et très efficace quand elle est bien utilisée. Je répète: quand elle est bien utilisée. Ce n'est pas le cas ici. Renée aurait dû faire prof au lieu de concierge. Le genre de prof qui donne envie de s'enfuir...
Un exemple? C'est bien parce que vous insistez. J'ouvre au hasard.
Il fait beau reprocher aux phénoménologues leur autisme sans chat; j'ai voué ma vie à la quête de l'intemporel.
Allons donc! Et vas-y que j'enfonce le clou, que je rabâche mon savoir, que j'étale mes connaissances... (Non, pas moi, Renée!)
Un détail, qui m'a fait l'effet de cette craie qui dérape sur le tableau noir (cela n'existe probablement plus, les générations précédentes me comprendront) en produisant l'insupportable crissement générateur d'une chair de poule généralisée. Je précise que le détail a été pêché dans l'édition originale, celle que j'ai lue quelques jours avant de recevoir la réédition en poche, et je vous explique tout de suite après pourquoi la précision est importante. Je lis donc, page 84:
Je suis esclave de la grammaire, me dis-je, j'aurais dû appeler mon chat Grévisse.
René, chère Renée (non: détestable Renée), toi qui voues à la langue une vénération quasi religieuse, ne connais-tu pas la différence entre un "e" et un "é"? Comment peux-tu affubler Grevisse d'un accent superflu? Je te hais, Renée, je te haïssais bien avant la page 84, je t'ai haïe jusqu'à la dernière. Même si les lecteurs de l'édition de poche passeront tranquillement de la page 95 à la page 96, puisque la faute a été corrigée.
Je devrais peut-être parler aussi de Paloma, la sale gamine qui fait pendant à Renée. Je devrais, je ne le ferai pas. Ou je me mets à distribuer des baffes. Et l'autre, là, le Japonais, Ozu, comme le cinéaste? Il vaut mieux que je me taise.
Mais alors, comment, pourquoi ce succès? Je ne sais pas. Une erreur d'aiguillage? Je ne vois qu'une explication, tout en sachant qu'elle est insuffisante. Une concierge cultivée, cela vous a quelque chose d'obscène qui a dû faire de L'élégance du hérisson un livre aussi scandaleux que les écrits de Sade. Un scandale bien mou, si vous voulez mon avis. Car il faut être un indécrottable petit-bourgeois pour trouver la situation étrange...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire