mardi 8 novembre 2011

Calixthe Beyala offre une nouvelle vie à une adolescente de banlieue

A la première phrase, Pauline, huit ans, se fait fracasser la mâchoire par son frère aîné. Quelques années plus tard, elle se venge d’un coup de couteau qui balafre la main de Fabien… Le nouveau personnage de Calixthe Beyala fait de la vie un apprentissage plutôt rude. Et se dirige tout droit vers les marges de la société: à quatorze ans, elle a l’impression que la vraie vie est dans la rue plutôt qu’à l’école.
«J’ai été inspirée par une adolescente réelle, explique la romancière. C’était une jeune fille d’une grande sensibilité. Et je me suis dit qu’il y avait des livres sur l’adolescence partout, sauf en banlieue. J’ai donc voulu faire une photographie de l’intérieur, qui permette de connaître l’intimité de ces adolescentes.»
Pauline est la narratrice de sa propre histoire, au fil de ce qui lui arrive, sans recul et avec son interprétation des événements. Calixthe Beyala a, une fois de plus, changé de personnalité: «J’adore entrer dans les personnages, me dédoubler. Je dois être un peu schizo… Cela me permet d’être autre pendant plusieurs mois, et de me construire comme être humain. Bien sûr, c’est parfois douloureux, puisque je ressens les mêmes peines que Pauline. Mais aussi les mêmes joies, les mêmes plaisirs…»
Après tant de livres et de reportages qui font parler les jeunes de banlieue selon des codes de langage désormais bien établis, Le roman de Pauline détonne. On s’en étonne. La réplique fuse: «En banlieue, les gens parlent comme partout ailleurs. Peut-être le vocabulaire est-il moins riche. Mais ce qu’on appelle la langue de la banlieue est une caricature, voire une imposture. Devant un journaliste, les jeunes renvoient l’image qu’on veut qu’ils donnent!»
La jeune fille n’est en tout cas pas d’un seul bloc. «Elle est complexe, comme tous les êtres humains. Elle est métisse: sa mère vient du Nord de la France, son père, du Mali. Et ce métissage induit des réflexes sociologiques, culturels, la question de l’identité. Ses relations avec la police et l’école sont difficiles. Elle rencontre toute la panoplie des problèmes de la banlieue.»
Parmi ces problèmes, une belle place est accordée aux relations entre les garçons et les filles. Pauline a un «fiancé». Mais Nicolas est surtout une belle petite crapule pour qui l’avenir semble être un gros mot. Il en a bien assez à se débattre avec le présent et tout ce qu’il peut lui offrir.
Tandis que Pauline, de son côté, semble prête à évoluer dans une autre direction. Grâce à Mathilde, une enseignante qui la recueille au risque de se faire dévorer par l’adolescente. Qui lui donne à lire Le livre de ma mère. Qui l’écoute. Qui la sauve, peut-être.
«Tout enfant se laisserait aller s’il n’y avait pas quelqu’un qui lui tendait la main. Il y a une part de hasard : au départ, Pauline ne réalise pas sa chance. Elle manipule Mathilde, utilise la relation ambiguë entre les Noirs et les Blancs. Elle est très forte, à cause de ce qu’elle a souffert et qui l’a endurcie. Elle est à la fois mature et immature …»
Au début du roman, Calixthe Beyala montrait une assistante sociale dont les conseils étaient sans effets sur Pauline. A la fin, Mathilde réussit ce que l’institution a raté. Une leçon? «On a tendance à se débarrasser des problèmes sur des structures. Mais les gens y sont débordés, ils n’ont plus l’élan, le souffle pour aider. Tandis qu’une démarche individuelle peut réaliser de grandes choses.»
Aider une jeune fille à s’épanouir, peut-être.

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