vendredi 3 février 2012

Lectures de février 1912 (3)

Quelques tranches
d’Histoire

Attaché pour sa part à des sujets puisés en France, Georges Ohnet donne avec La serre de l’aigle (Ollendorff) une suite au roman historique qu’il avait commencé avec Pour tuer Bonaparte qui «obtint l’an dernier un si vif succès», note Ph.-Emmanuel Glaser dans Le Figaro. Georges Cadoudal et ses amis, ennemis de l’Empereur, finissent en criant «Vive le Roi!», après bien des péripéties que Ohnet «a, pour la plupart, empruntées à la réalité. Il a, comme dans son précédent volume, scrupuleusement suivi l’histoire dans l’évocation des héros consacrés tels que: l’Empereur, Cadoudal, Pichegru, Moreau, Mlle George, Fouché, le duc d’Enghien. Et puis, avec infiniment d’adresse, avec une très heureuse imagination, il a mêlé la légende à l’histoire, campé des personnages très vraisemblables qui sont tout à fait dans la note et dans le ton, et dont les aventures personnelles rentrent à merveille dans le cadre historique».
Pierre de Nolhac, conservateur du musée de Versailles, puise aussi dans l’Histoire pour faire non un roman mais le portrait de Madame Vigée-Lebrun (Goupil & Cie), elle-même portraitiste – en particulier de Marie-Antoinette. Francis Chevassu (Le Figaro) relève le soin avec lequel le biographe a préparé son travail, et comment il a réussi à faire presque oublier ses travaux de recherche: «C’est d’abord une histoire du peintre pour laquelle l’auteur consulta des carnets de famille, des comptes de notaires, des lettres inédites, des papiers d’archives. Mais toute cette documentation ne s’étale point: seuls, quelques détails sont soulignés pour ce qu’ils font connaître du caractère de l’artiste.» Et, de la même manière que Madame Vigée-Lebrun «a fixés en ses tableaux […] l’âme de l’époque, son goût artificiel de la simplicité et de la sensibilité pastorales», «dans cette monographie d’une femme qui exerça pendant quinze ans une sorte de royauté artistique, M. de Nolhac, sans y lâcher, dessine, à traits menus, toute une époque.» 

Histoire encore et enfin, mais plus proche dans le temps et plus internationale, avec Leurs Majestés (Ollendorff) ou les souvenirs de Xavier Paoli. Celui-ci a pris sa retraite après avoir été «pendant tant d’années “le délégué auprès des souverains en France”». Il navigue, notait déjà V.-Paul Dupray à la fin du mois dernier dans L’Aurore, entre «la liberté dont il use» et «la discrétion et la réserve qui conviennent à un ancien fonctionnaire.» Aurait-il donc, par discrétion et réserve, gardé pour lui les anecdotes recueillies dans les moments passés avec les têtes couronnées? Heureusement, non. Le journaliste de L’Aurore en rapportait une à propos d’Elisabeth d’Autriche: «Il arriva un jour à M. Paoli, pendant un séjour d’Elisabeth à Paris, de perdre sa trace. Juger de l’affolement de ce dévoué fonctionnaire. Soudain, on vit reparaître l’Impératrice. Elle était allée le long des quais, perdue dans la foule obscure, contempler Notre-Dame au clair de lune.» Dans Les Annales politiques et littéraires, Adolphe Brisson racontait comment il avait connu Xavier Paoli, à Compiègne, auprès de l’empereur et de l’impératrice de Russie. Un reporter, «avide d’informations», l’accostait-il? «Vous le jugiez importun, mais n’en laissiez rien paraître; vous l’accueilliez avec tant d’empressement que vous aviez l’air, en contentant sa curiosité, de lui accorder une faveur.» Ph.-Emmanuel Glaser, ouvrant quelques jours plus tard sa Petite chronique des lettres avec le même ouvrage dans Le Figaro, salue «l’évocation de tous les grands de la terre qui, pendant près d’un demi-siècle foulèrent l’asphalte de nos boulevards, racontés par un homme qui les vit de très près, alors que nous devions nous contenter de les regarder passer du haut d’une fenêtre où nous n’apercevions, dans le fracas des escortes guerrières, que leur apparence royale.» Voici donc, tout simplement, «des hommes et des femmes», parfois en veine de confidences, parfois même facétieux.

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