lundi 11 mars 2013

Carole Martinez : les prières de l'emmurée


Ne dites pas à Carole Martinez que ses romans ne correspondent à rien de ce que l’on attend. A rien de ce vers quoi les spécialistes en marketing orientent les auteurs : des sujets de société, des faits divers spectaculaires. Non, ne dites pas cela à Carole Martinez : il est probable qu’elle l’ignore. Ou, au minimum, qu’elle s’en moque. Elle raconte les histoires qui lui viennent, elle y met tout ce qu’elle peut, comme dans son premier roman, Le cœur cousu, que ne virent pas passer les jurés des grands prix littéraires. Mais elle en a reçu huit, des prix, et surtout les lecteurs se sont arraché un livre qui les emmenait loin d’eux-mêmes sur le ton du conte. Avec son deuxième roman, elle a reçu le prix Goncourt des Lycéens en 2011, et ce n'est pas mal non plus.
Le ton frappe encore d’emblée dans Du domaine des Murmures. « Je suis l’ombre qui cause. Je suis celle qui s’est volontairement clôturée pour tenter d’exister. Je suis la vierge des Murmures. » Rien à voir avec, par exemple, Marc Levy. Pourtant, ça marche – soyons honnête, un peu moins bien que Marc Levy. Comme en outre les jurés des prix, pas plus idiots que d’autres grands lecteurs, se sont aperçus à sa sortie de la qualité du roman, il se pourrait bien que sa carrière soit longue. De quoi rassurer sur l’avenir d’une littérature exigeante, forte, qui remue profondément.
Esclarmonde, promise par son châtelain de père au fils d’un autre nobliau, a refusé le mariage, s’est promise au Christ et s’est enfermée pour la vie entière afin de prier. Nous sommes au 12e siècle, faut-il préciser pour comprendre le contexte. Une sainte vivante est bienvenue pour les populations qui espèrent toujours qu’un miracle vaincra la misère. C’est moins heureux pour l’Eglise, aux yeux de laquelle Esclarmonde perturbe l’ordre des choses.
La recluse elle-même se débat entre les plus hautes aspirations et les manifestations imprévues de la vie qui croît en elle, suite à un viol dont le coupable ne sera pas démasqué tout de suite. On retient son souffle pendant plus de deux cents pages, l’expérience est rare.

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