mercredi 4 septembre 2013

Nicolas Bouvier, 50 ans de bon usage du monde

Il y a cinquante ans, Nicolas Bouvier, écrivain suisse et de la planète Terre, publiait L'usage du monde. Ce livre est devenu un classique de la littérature de voyage. Davantage encore: presque un guide de l'écrivain-voyageur. Un colloque sera consacré au livre et à son auteur les 10 et 11 octobre prochains, au Musée du Quai Branly et à la Bibliothèque nationale de France à Paris: Usages de Nicolas Bouvier pour les cinquante ans de L'usage du monde.
Cette annonce m'a donné envie de revenir vers cet écrivain. J'ai eu la chance de rencontrer cet homme étonnant. Par malheur, je ne retrouve pas la trace de l'entretien que j'avais eu avec lui. Il faudra se contenter de ce que j'écrivais le 19 février 1998, après avoir appris son décès.

La presse suisse a annoncé, hier matin, la mort de Nicolas Bouvier. Il avait 69 ans et résidait à Genève, où il était né. Mais sa vie l'a mené bien plus loin, en particulier vers l'Orient en direction duquel il est parti en 1953 pour un voyage de quatre ans au cours duquel il est devenu photographe. Plus tard, il en a tiré des livres qui, petit à petit, se sont imposés comme de grands classiques de la littérature de voyage. L'usage du monde (1963), Chronique japonaise (1975), Le poisson-scorpion (1981), Journal d'Aran et autres lieux (1990), sont des ouvrages dans lesquels se reconnaissent les écrivains voyageurs d'aujourd'hui, même si Nicolas Bouvier n'a rien fait pour s'inscrire dans une mode.
L'essentiel chez lui est dans le regard, et celui des autres autant que le sien. Le photographe devenu écrivain continuait à scruter les êtres davantage que les paysages. En 1990, il nous avait expliqué cette prédilection: "En ce qui concerne les paysages, je préfère les photos de calendrier aux miennes. En ce qui concerne les visages, je me défends mieux parce que ça dépend d'un contact humain, d'une brève conversation qu'on peut avoir, même par gestes car j'ai souvent photographié des têtes dans des pays dont je ne parlais pas la langue."
D'Inde, de Ceylan, du Japon, de Corée ou des îles d'Aran, Nicolas Bouvier a ramené, outre ses photos, des souvenirs beaucoup plus que des notes. Car, disait-il, "il suffit d'avoir été intensément dans un lieu pour être marqué par ce qu'on y a vécu. Il ne s'agit pas de voyager en touriste, évidemment, mais de prendre des risques, même s'ils ne sont pas nécessairement physiques. Si on ne laisse pas au voyage le droit de nous détruire un peu, autant rester chez soi."
Sa philosophie du voyage était une manière de vivre. C'est au contact des autres qu'il s'est découvert, bien avant de faire partager son Usage du monde à d'autres.

Et, pour la route (expression parfaitement adéquate cette fois), quelques lignes extraites de son avant-propos à L'usage du monde:
C’est la contemplation silencieuse des atlas, à plat-ventre sur le tapis, entre dix et treize ans, qui donne ainsi l’envie de tout planter là. Songez à des régions comme le Banat, la Caspienne, le Cachemire, aux musiques qui y résonnent, aux regards qu’on y croise, aux idées qui vous y attendent… Lorsque le désir résiste aux premières atteintes du bon sens, on lui cherche des raisons. Et on en trouve qui ne valent rien. La vérité, c’est qu’on ne sait comment nommer ce qui vous pousse. Quelque chose en vous grandit et détache les amarres, jusqu’au jour où, pas trop sûr de soi, on s’en va pour de bon.
Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu’il se suffit à lui-même. On croit qu’on va faire un voyage, mais bientôt c’est le voyage qui vous fait, ou vous défait.

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