lundi 21 octobre 2013

Quand Salman Rushdie vivait caché sans être heureux

Peu avant le quarantième anniversaire de l’indépendance de l’Inde, en 1987, Salman Rushdie était retourné dans son pays d’origine pour travailler à un film. Dans le Kerala, il avait vu un conteur qui ne respectait pas les règles habituelles du genre, commencer au début de l’histoire et poursuivre jusqu’à la fin. Celui-là faisait tout de travers et le public suivait malgré tout. L’écrivain a retenu la leçon. Joseph Anton, qui raconte les années où Rushdie dut vivre caché parce qu’il avait été condamné à mort par l’ayatollah Khomeiny, s’ouvre le jour où, le 14 février 1989, il apprend qu’une fatwa a été prononcée contre lui. Et où tout bascule. La lumière, en ce beau mardi ensoleillé, est engloutie d’un coup. Les années de formation, pourquoi il s’est, après son père, intéressé à la religion sans être un homme religieux, pourquoi son roman le plus célèbre, Les Versets sataniques, est devenu la source de son malheur, cela viendra le moment venu.
Cette autobiographie est écrite à la troisième personne, parce que Salman Rushdie écrivain regarde vivre un Salman Rushdie personnage – et vivant sous le pseudonyme de Joseph Anton – nous raconte tout ce que nous avions espéré savoir de la manière dont cette douzaine d’années ont été vécues par lui. Elle est aussi une formidable réflexion, par-delà les nombreuses anecdotes, sur la liberté que donne la littérature et les limites de cette liberté.
En constatant que son roman est devenu, aux yeux d’une partie du monde, un blasphème et non plus l’œuvre qu’il avait créée en artiste, Salman Rushdie mesure l’incompréhension dont il a eu à subir les conséquences. S’il a gagné, ce n’est pas seulement parce qu’il est vivant. C’est aussi parce que Joseph Anton est un livre formidable, où l’humour marque des points contre l’intégrisme.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire