mardi 25 février 2014

Le retour d’Alain Mabanckou à Pointe-Noire

Vingt-trois ans : c’est le temps depuis lequel Alain Mabanckou n’était pas retourné à Pointe-Noire où il a passé son enfance et sa jeunesse. Il habite, pour ce séjour, à l’Institut français, dont les Ponténégrins, ainsi que s’appellent ses habitants, gardent le souvenir du temps où il était le Centre culturel français (on en connaît d’autres qui continuent à ne pas se faire au nouveau nom de son équivalent, plus près de nous). Et il écrit sur ces retrouvailles complexes, sur la collision parfois brutale entre les images du passé et celles du présent.
Le cinéma Rex, où il allait comme tout le monde s’extasier devant les aventures de Bud Spencer et Terence Hill, est devenu une église pentecôtiste qui témoigne de la prolifération des sectes. Peu accueillante, la Nouvelle Jérusalem : il n’est pas autorisé à y entrer avec sa compagne qui prend les photos illustrant Lumières de Pointe-Noire. Il faudra l’intervention du propriétaire du bâtiment pour qu’ils y pénètrent. Le cinéma est mort, les « libraires par terre » aussi, qui proposaient quelques ouvrages aux spectateurs sortant de la salle. Surprise : le titre le plus demandé était un livre de Guy des Cars, Sang d’Afrique, surtout à cause du titre, peut-on supposer (et même espérer). Mabanckou qui, à la même époque, écumait la bibliothèque du Centre culturel en lisant les romanciers dans l’ordre alphabétique, constatera en France que l’auteur de ce livre est sous-estimé : « Cela n’effaça pas pour autant l’admiration que je vouais à celui qui, certainement, avait donné le goût de la lecture à toute une génération de Ponténégrins, voire d’Africains francophones. » Par quels détours ne faut-il pas passer pour former un écrivain…
Le plus aigu, parfois le plus douloureux aussi, dans ce retour touche à la famille. Sa mère est morte depuis longtemps, même s’il a longtemps laissé croire autour de lui qu’elle vivait encore. Certains se disputent la parcelle sur laquelle s’élève encore, dans un état précaire, la maison en bois où il a grandi avec elle et son père adoptif. D’autres, voyant en lui l’Africain qui a réussi, lui réclament de l’argent comme un dû… Sentiments mélangés où l’émotion et l’exaspération se confondent parfois.
Lauréat du Prix Renaudot en 2006, Alain Mabanckou est devenu un « incontournable » de la littérature écrite en français. Son œuvre a été couronnée, dans son ensemble, par l’Académie française en 2012, puis par la Principauté de Monaco l’année dernière, au moment où il venait d’être nommé président de la Foire du Livre de Brive-la-Gaillarde. Cette année, il préside le jury du Prix du Livre Inter. On ne peut décidément plus se passer de lui. Et c’est très bien ainsi.

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