vendredi 25 juillet 2014

Vers la rentrée (3) avec Jean-Claude Pirotte

Trois mois après sa mort, Jean-Claude Pirotte publie encore. Comme un dialogue qui se poursuit entre un hypothétique ailleurs et des lecteurs. J'avais cru conclure avec une note écrite en mai (il en existe une autre version, publiée le lendemain sur le site La république des livres où Pierre Assouline lui a apporté une mise en forme plus soignée). L'écrivain reprend la main avec Portrait craché, roman si peu fictionnel et si touchant.

Portrait craché, selon son éditeur

Ni plainte ni complainte dans ce roman cru et nu où l'auteur fait corps avec son personnage pour tenir une chronique où le scalpel de l'humour noir découpe à vif humeurs et tumeurs. Les mots contre les maux. «Les livres sont des analgésiques», écrit Jean-Claude Pirotte. Ils survivront à cette humanité moribonde où le silence et la mort sont siamois. La littérature comme remède. Les ouvrages des écrivains qu'il aime – sa famille élective – font rempart autour de lui. L'écrivain plonge en eux pour revenir à la source, à l'orgueil de finir debout.

L'auteur, Jean Claude Pirotte

Jean-Claude Pirotte était poète, romancier et peintre. Son écriture nous entraîne dans les plis du quotidien et les courbes des vignobles, «au fond des chais obscurs et du secret lumineux du paysage» (Autres arpents, prix Marguerite Duras 2001). Il a notamment publié, au Cherche midi, Mont Afrique (1999), Hollande, poèmes et peintures (2007), Place des Savanes (2010), Brouillard (2014) et Portrait craché (2014). Il a reçu, en 2012, le Goncourt de la poésie pour l'ensemble de son œuvre. Il nous a quitté en 2014.

Les premières lignes

La paralysie faciale a déformé ses traits. Pour parler de lui, il convient de trouver un ton objectif, ce qui n'est pas si facile. Il est sourd de l'oreille gauche, le préciser est déjà entrer en lui comme par effraction. Il n'est plus jeune, loin s'en faut, et son esprit commence à vagabonder.
Sur cette petite table encastrée contre le mur, à la droite d’une bibliothèque dont les étagères sont presque dépourvues de livres, on remarque peut-être d’abord la boîte à rouler les cigarettes, le cendrier, le tabac fleur de pays numéro 6, wervik, dont l’arôme serait censé être typiquement belge, et puis le paquet de feuilles rizla croix, world’s n° 1, qui proclame l’art de rouler, the art of rolling à la manière, dirons-nous, d’un chanteur de jazz.

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