jeudi 20 novembre 2014

Clôture en beauté, l'Interallié à Mathias Menegoz

C'est un beau dernier prix littéraire pour une saison somme toute très satisfaisante: Karpathia, le premier roman de Mathias Menegoz, vient de recevoir le Prix Interallié, par six voix contre quatre aux Nouveaux monstres, de Simonetta Greggio.
Un premier roman solide et atypique, comme presque plus personne n’ose en écrire et moins encore, peut-être, en publier : venu en droite ligne d’Alexandre Dumas, Karpathia, de Mathias Menegoz, est un pur bonheur de lecture, une longue évasion de 700 pages vers les années 1830, dans une Transylvanie où tout semble très, très lointain. La population y vit encore selon un régime féodal, à l’écart des révolutions qui agitent l’Europe.
Le premier paragraphe du livre fournit un début d’explication à cet immobilisme : « L’Empire d’Autriche fut moins affecté que ses voisins car le prince Metternich réussit à maintenir un couvercle policier et bureaucratique particulièrement pesant sur toutes les aspirations libérales. » La suite montrera comment l’absence de moyens de communication rapide entre Vienne et la Transylvanie permet d’y perpétuer un ordre ancien, en même temps que d’y instaurer des désordres variés.
Car, si Karpathia a tout d’un roman historique par une documentation en apparence très complète, il est aussi un roman d’aventures où l’héroïsme cohabite avec la veulerie, où la lutte pour la survie va de pair avec la conquête des richesses et où l’amour n’est pas en reste.
Le comte Alexander Korvanyi, d’origine hongroise, est promis à un bel avenir dans l’armée impériale. Mais il est amoureux de Cara von Amprecht, qui n’envisage pas un instant d’être la femme d’un militaire. C’est pour elle qu’il quitte la carrière des armes, non sans régler une dette d’honneur : alors que les esprits étaient échauffés après un spectacle, von Wieldnitz a traité Cara de « vraie Diane chasseresse », autant dire de prostituée. L’échange de coups ne suffit pas à laver la réputation de la femme aimée : il faut aller au duel. La scène est cinématographique mais filmée, si l’on ose dire, par le personnage principal.
Celui-ci n’a pas fini de nous entraîner sur le chemin des combats, après un voyage pénible, surtout pour Cara qu’il a épousée, vers ses terres. Il les trouve dans un état déplorable, se demande s’il n’est pas grugé par son intendant et doit faire face à une insécurité bien plus grande que celle de nos villes. Une bande de forestiers, organisée pour la contrebande et le pillage, craint de voir son influence réduite avec l’arrivée du comte sur ses propriétés et une véritable guerre s’engage. Un peu décousue dans son déroulement, certes, mais nous ne sommes pas dans le dix-neuvième siècle des Etats européens, plutôt dans une sauvagerie moyenâgeuse qui se manifeste par une sorte de guérilla avant l’heure.
Mathias Menegoz mène furioso les événements et une foule de personnages. Karpathia est de ces livres qu’on entame en se posant bien des questions sur le plaisir ou l’ennui qui nous attend. Celui-ci ne s’installe jamais, celui-là est constant, relancé sans cesse par les faits ou la relation de couple entre Alexander et Cara.

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