mardi 6 janvier 2015

Les conseils de Dany Laferrière

L'édition originale de Journal d'un écrivain en pyjama ne portait pas de la mention : « de l’Académie française » que cette parution au format de poche a eu largement le temps d'intégrer à la couverture et à la page de titre. Il n’est, heureusement, pas besoin de cela pour goûter la manière dont Dany Laferrière propose, entre humour et sérieux, insolence et pertinence, le récit de sa vie d’écrivain. Une vie « à lire et à écrire. Cela a-t-il un sens ? Je ne le sais. » S’il n’a pas la réponse à la question, nous pouvons la lui souffler : oui, bien sûr, le sens que donne chaque lecteur à des textes vibrant de, précisément, leur quête de sens.
Sous forme de notes assez brèves, chacune consacrée à un pan (ou à un détail) de son métier d’écrivain, l’auteur fournit des conseils, parfois contradictoires, à l’usage de celles et ceux qui aimeraient faire comme lui. Et bénéficier des avantages de la situation : « quand on a écrit quelques livres qui ont eu l’heur de plaire à un certain nombre de gens, on vous invite à voyager pour jouer à l’écrivain. Je me souviens encore de cette première fois où on m’avait invité en Belgique aux frais de la princesse. Rien à payer ? Non, monsieur, ni vos billets, ni vos taxis, ni votre chambre d’hôtel, ni vos repas. » Elle n’est pas belle, la vie d’écrivain ? En pyjama ou en uniforme d’académicien…
Certes, il est agréable de voyager à l’œil, encore faut-il avoir prouvé deux ou trois choses par les livres publiés. Et, donc, avoir sué sur des manuscrits, surtout quand il s’agit de s’acharner sur une vieille Remington achetée chez un brocanteur. C’est avec cette machine que Dany Laferrière a écrit son premier livre, Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer, et beaucoup de ceux qui suivirent. Il ne savait rien de ce qui l’attendait : « je me suis assis devant la machine pour écrire ma première phrase. J’ai attendu la suite tout l’après-midi. […] J’ai passé l’été à écrire avec un seul doigt tout en me nourrissant de fruits et de légumes. J’étais devenu un véritable athlète de l’écriture. »
D’une certaine manière, ces notes sont celles que l’écrivain aurait aimé lire avant de commencer. Récapitulation d’une expérience, elles sont destinées à faire gagner du temps aux apprentis écrivains. Pas à passer moins de temps sur leur travail : il ne cesse de dire qu’il faut non seulement écrire mais aussi corriger et réécrire, et passer des jours, des mois, à lire, nécessaire confrontation avec les autres. Et même, premier de 182 conseils lapidaires (un à la fin de chaque note) : « Une journée par mois, sans lire ni écrire, pour garder un pied dans la réalité, ce qui vous permettra d’avancer d’un pas dans le rêve. »
Après cela seulement, peut-être aura-t-on droit aux voyages et aux hôtels gratuits.

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