samedi 21 mars 2015

Salon du Livre, les écrivains sont de sortie

Porte de Versailles, à Paris, les visiteurs se dirigent vers le pavillon où on a enfermé des écrivains pour quelques jours. Ils sont affalés derrière des piles de leurs derniers livres, grignotent un sandwich entre deux soupirs, avalent discrètement une gorgée de vin. Les politiciens ne viennent pas leurs tâter la croupe, comme ils le font aux vaches du Salon de l’Agriculture. Mais presque… En tout cas, on sort les auteurs des placards où ils ruminent leurs mots et, l’espace d’une manifestation qui n’a pas que ses défenseurs, on en parle.
Mais s’agit-il de littérature ? François Bégaudeau et Iegor Gran, qui viennent tous deux de publier des romans où il est question de la vie des écrivains, en doutent dans L’Obs de cette semaine qui les a rassemblés. « Ce n’est pas une expérience agréable », dit Gran, tandis que Bégaudeau nuance : « C’est amusant à regarder, cette grande foire. »
La presse rivalise d’inventivité – ou de redites – pour marquer l’événement. Jeudi, le Figaro littéraire publiait un sondage « exclusif » qui, avant l’échéance électorale de dimanche, était pour une fois étranger à tout ce qui porte des sigles en guise de noms (UMP, PS, FN, UMPS, FNPS, on en oublie). Il s’agissait de savoir quels sont les écrivains préférés des Français.
Sans grande surprise, chez nos contemporains, c’est un des auteurs aux plus gros tirages qui a été choisi : Marc Levy. Il se dit « à la fois très ému, touché, surpris et heureux. » Son principal concurrent en chiffres de ventes, Guillaume Musso, n’arrive qu’en troisième position, précédé par l’inoxydable Jean d’Ormesson – qui entre le mois prochain dans la Bibliothèque de la Pléiade. Et puis, on trouve Max Gallo, Amélie Nothomb, Michel Houellebecq, Fred Vargas, etc. Le Figaro a aussi sondé les Français sur leurs écrivains classiques préférés. Victor Hugo garde la prééminence, d’une courte tête devant Marcel Pagnol que suivent Jules Verne, Emile Zola, Guy de Maupassant… Victor Hugo a préféré ne pas réagir, ou aucune table tournante n’a pu être trouvée pour entrer en communication avec lui.
Depuis 1987, Libération demande à des écrivains de rédiger le journal du jour précédant l’ouverture du Salon du Livre. Ils sont 37 à s’y être collé cette année. Aucun d’entre eux n’est dans la liste des écrivains préférés des Français. Aucun d’entre eux ne s’attendait non plus à la brutalité de ce qui allait survenir dans l’après-midi de mercredi : l’assaut, par un commando terroriste, du musée du Bardo à Tunis. C’est là où l’écrivain se révèle journaliste. D’autant plus aisément qu’il l’est parfois, comme l’Algérien Kamel Daoud. Leila Slimani, qui a écrit un roman nymphomaniaque (Dans le jardin de l’ogre), l’est aussi. Et Olivier Guez, le seul des trois à n’être pas originaire d’Afrique du Nord. L’actualité brûlante est pour eux et ils s’en sortent bien.
Mieux, en tout cas, que Sylvie Granotier, empêtrée dans une rencontre imprévue avec le ministre de l’Intérieur de passage dans les locaux de Libération (qui sont, depuis la reparution de Charlie Hebdo, l’abri provisoire de l’équipe réalisant cet hebdomadaire) – mais c’est souvent drôle quand les choses fonctionnent moins bien que prévu, et c’est le cas.

Oui, les écrivains sont de sortie. Pas trop longtemps : ils ont des livres à écrire !
Et, si vous avez l'ambition de réussir une carrière littéraire, un Manuel du plus que parfait arriviste littéraire est paru il y a quelques jours, qui semble avoir été écrit pour vous... il y a cent ans et des poussières.

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