mardi 15 décembre 2015

En rayon : Larry McMurtry, «Texasville»

La loi de la nouveauté est terrible, elle fait disparaître en rayon quantité de livres qu'on n'a pas lus et qu'on voudrait lire ou dont on se dit, avec une naïveté qui ne dure jamais très longtemps, qu'on va les lire. Soufflons sur la poussière, ravivons les couleurs des couvertures. Avec, aujourd'hui, un roman de Larry McMurtry, auteur presque oublié qui bénéficie depuis quelque temps d'un regain de curiosité bien méritée. Texasville est paru en 1987 pour la VO, a été traduit en français deux ans plus tard (chez First, mais qui lisaitt les romans parus chez First?) et est ressorti en janvier 2012 chez Gallmeister. Ouvrons...

Assis dans son jacuzzi, Duane tirait au .44 Magnum sur la niche qu’il venait de s’offrir : un édifice en rondins à deux étages censé reproduire un fortin du temps de la conquête de l’Ouest. Il l’avait achetée avec Karla dans une foire à Fort Worth, un jour où ils s’ennuyaient tous les deux. On aurait facilement pu y loger plusieurs danois, mais jusqu’à présent aucun occupant n’y avait élu domicile. Shorty, le seul chien que Duane pût tolérer, refusait de s’en approcher.
Chaque fois qu’une balle atteignait sa cible, des éclats de bois fendaient l’air. Le terrain de la nouvelle demeure des Moore venait d’être ensemencé à grands frais, mais l’herbe n’y faisait que de timides apparitions. Perchée sur une longue falaise rocheuse, la maison surplombait une vallée criblée de puits de pétrole et de bassins d’eau salée. De petites routes luisantes de graisse la sillonnaient, menant d’une pompe à une autre. Ce promontoire n’était vraisemblablement pas l’endroit idéal pour faire pousser de l’herbe des Bermudes, mais deux hectares en avaient déjà été semés. Pour Karla, tout était possible à condition qu’on y mette le paquet.
Duane avait encore moins confiance dans l’herbe des Bermudes que ces malheureuses graminées n’en avaient en leur propre pouvoir, mais il n’en signa pas moins le chèque, tout comme il l’avait fait pour la niche qu’il était en train de réduire en petit bois. À grand renfort d’achats inutiles, il avait presque réussi pendant un temps à se convaincre qu’il était toujours riche, mais ce stratagème ne marchait plus.
Shorty, un berger noir du Queensland, sursautait à chaque détonation. Contrairement à Duane, il ne portait pas de casque sur les oreilles, mais il aimait tant son maître qu’il ne le quittait pas d’une semelle, même au risque de devenir sourd.

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