lundi 25 avril 2016

Jean Rolin et la guerre civile française

La France est en guerre intérieure dans Les Evénements. La FINUF – Force d’Interposition des Nations Unies en France – est impuissante à maîtriser un conflit où les belligérants nouent des alliances éphémères. Le narrateur, qui quitte Paris en direction du sud, traverse des zones marquées par les combats. Ici des débris, là des cadavres. Dans le passé, il a connu Brennecke, devenu colonel et chef d’un mouvement en lutte. Mais tout est loin, même les événements du présent qui, à ses yeux comme aux nôtres, restent assez opaques. Ce qui n’empêche pas d’en suivre le mouvement avec une passion suscitée par la fine ironie de Jean Rolin.
On a l’impression que vous allez où vous pousse le vent… Quel vent vous a-t-il poussé vers cette France en guerre civile ?
Oui, habituellement, je vais un peu où le vent me pousse, mais dans le cas des Evénements il s’agit d’un projet fort ancien – déjà esquissé dans un texte (Cherbourg-Est/Cherbourg-Ouest) publié à la fin du siècle dernier – et qui résultait de l’impression, ou de l’une des impressions, retirée de la guerre dans l’ex-Yougoslavie. A savoir que la guerre pouvait aussi survenir, et presque sans crier gare, dans un pays proche du nôtre non seulement géographiquement mais surtout humainement, culturellement, etc. En somme, en Yougoslavie, comme aujourd’hui en Ukraine, la guerre perdait le caractère exotique auquel nous nous étions habitués pour se rapprocher de la maison (par où elle était déjà passée, d’ailleurs, à maintes reprises auparavant).
Beaucoup de vos livres se situent entre la fiction et le récit. Cette fois, l’imaginaire semble avoir pris complètement le pouvoir…
Certes, il s’agit cette fois d’une fiction, mais d’une fiction documentaire, en quelque sorte, et d’un récit inspiré par un réel décalé, ou transposé, tel que l’ont éprouvé récemment, j’y reviens, des pays très semblables au nôtre. Il est probable (et évidemment souhaitable…) que jamais de tels événements ne se produiront en France, mais il me semble (car on ne sait jamais très bien pourquoi on écrit telle chose plutôt que telle autre) que j’aie également voulu signifier qu’il n’en faudrait pas tant – parce que sont déjà réunies certaines des conditions propices à leur surgissement – pour qu’ils se produisent malgré tout.
Quel sens donnez-vous au titre, Les Evénements ?
Le titre reprend la terminologie officielle s’agissant d’une guerre non-déclarée et non-assumée – « les événements d’Algérie » –, ou d’un phénomène socio-politique si étrange et si imprévisible qu’on ne sait comment le désigner : « les événements de Mai 68 ». Mais je pensais plutôt au précédent de la guerre d’Algérie…
Vous fournissez de nombreux détails géographiques. Dans quel but ?
Les détails géographiques et toponymiques me semblent nécessaires pour que le lecteur se représente les lieux que j’évoque – et d’autant plus qu’ils existent réellement –, et aussi pour ménager un effet supplémentaire d’étrangeté (de familière étrangeté). Car si c’est une chose d’imaginer une guerre civile en France, ç’en est encore une autre, plus choquante, et plus burlesque aussi, d’imaginer qu’elle implique des lieux aussi précis, et aussi insignifiants, ou du moins aussi éloignés de toute idée de violence guerrière, que le trottoir de gauche du cours Sablon ou le confluent du Langouyrou et de l’Allier.
Par ailleurs je suis toujours très soucieux de détails, et d’exactitude dans la description des lieux ou des objets, par goût des nomenclatures, sans doute, mais aussi, me semble-t-il, par égard pour le lecteur, voire pour les lieux ou les objets décrits.

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