samedi 2 juillet 2016

Yves Bonnefoy, disparition d'un géant

Les poètes font rarement les gros titres de la presse.
Quand on apprend leur disparition au milieu de la nuit, encore moins. Yves Bonnefoy, qui avait 93 ans, ara été de ceux-là, dont les textes courent souterrainement à travers plus d'un demi-siècle, au moins depuis Du mouvement et de l'immobilité de Douve (1953), dont le travail de réflexion et de traduction a accompagné et en partie nourri la démarche poétique.
Dans un livre consacré à Rimbaud, Yves Bonnefoy écrivait: «Pour comprendre Rimbaud lisons Rimbaud, désirons séparer sa voix de tant d'autres voix qui se sont mêlées à elle. Il n'est pas utile de chercher loin, de chercher ailleurs, ce que Rimbaud lui-même nous dit.»
Lisons donc Bonnefoy, aussi, et par exemple les premiers vers d'Ensemble encore, paru il y a deux mois:

C’est bizarre, je ne vous reconnais pas.
Tant il fait nuit je ne vois plus votre visage
En dépit dans vos yeux de cette lumière
De diverses couleurs si loin là-bas.
Je comprends que vous tous, vous n’êtes plus
Auprès de moi qu’une seule présence,
À qui tendre la coupe, je ne sais
Ni ne le veux, je la pose, un instant.
Apercevant vos mains,
Je les touche des miennes, c’est suffisance.

Ou relisons Bonnefoy, d'autant plus à portée d'yeux que de nombreux textes ont été réédités au format de poche, ainsi ce volume de la collection Poésie/Gallimard, sobrement intitulé Poèmes, et qui reprend quatre titres majeurs: Du mouvement et de l'immobilité de Douve, Hier régnant désert, Pierre écrite et Dans le leurre du seuil.
Douve parle:

Quelquefois, disais-tu, errante à l’aube
Sur des chemins noircis,
Je partageais l’hypnose de la pierre,
J’étais aveugle comme elle.
Or est venu ce vent par quoi mes comédies
Se sont élucidées en l’acte de mourir.

Je désirais l’été,
Un furieux été pour assécher mes larmes,
Or est venu ce froid qui grandit dans mes membres,
Et je fus éveillée et je souffris.

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