mardi 1 août 2017

Philippe Djian et la loi de la pesanteur

Froideur et cœur dur : deux caractéristiques fondamentales que le père de Myriam attribue à celle-ci, et dont elle a hérité en droite ligne de sa mère qui a, sans hésitation, abandonné la famille. Mari et enfants – Myriam a un frère aîné, Nathan, qui baise (pour être dans le ton quand on parle d’un de ses livres, il faut utiliser les mots du romancier) la femme du voisin. Conséquence : un drame, un cadavre, une maison à vendre. Ce qui peut arranger les affaires du père. Son boulot consiste précisément à vendre des maisons, il est de tous les enterrements, carte de visite à la main. Dans un roman de Philippe Djian, les événements se succèdent comme tombe une falaise. Inéluctablement : un caillou lâche, une poignée d’autres, puis la falaise elle-même. La loi de la pesanteur est à l’œuvre, elle entraîne les personnages dans un éboulement intérieur qui semble les vider de leur substance, les transformer en zombies condamnés à vivre encore, malgré l’incohérence de ce qui les entoure.
Myriam sait-elle pourquoi elle a épousé Yann, le fils des voisins, vingt-cinq ans de plus qu’elle, comme dans un retournement de situation destiné à ramener un équilibre incertain dans le chaos ? Puisque Nathan baisait la mère de Yann, Yann baise Myriam qui ne voit, dans le déroulement des faits, qu’une succession d’événements contre lesquels elle est incapable de peser. Le mariage qui suit pourrait être anecdotique, en raison de ce qui s’installe dans le couple et sa périphérie. La sœur de Yann, Maria, est devenue une amie envahissante, du genre à guider sa belle-sœur dans toutes ses décisions. Complice trop proche pour être honnête.
Le romancier n’explique rien. Tout est là, pareil aux organes dispersés d’un cadavre après l’autopsie. Mais ces organes sont destinés à être remis dans leur enveloppe de peau : Dispersez-vous, ralliez-vous ! Chez Rimbaud, le poème parlait des corbeaux qui volent, funèbres, par-dessus les morts d’avant-hier, ceux d’un champ de bataille. Chez Djian, le champ de bataille est limité à l’espace familial, mais la guerre n’est jamais loin, qui oppose dans la violence avant la conclusion de l’armistice.
Ne comptez pas sur Philippe Djian pour vous prendre par la main. On entre dans une énigme, certes, mais il n’y aura d’autre enquête que celle menée par Myriam face à sa propre existence. Et encore, mollement, sans chercher à tout comprendre. L’essentiel étant mis à plat devant nos yeux, il suffit de se laisser aller à la manière des personnages les plus dociles pour comprendre leur fonctionnement.

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